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  • Jeanne Gourdon

Josué, Cali, 29 ans

Dernière mise à jour : 11 mai 2021


Josué est à droite lors d'une manifestation à Cali


Cali, située sur la côte pacifique est la 3ème plus grande ville de Colombie. Depuis le 28 avril 2021, elle est en effet l'épicentre de la violence subie par la Colombie. C'est ici que les manifestations ont été le plus durement réprimées et où les décès sont les plus nombreux.



Je m'appelle Josué. Je suis un politologue de l'Universidad del Valle et un leader social. Le problème central de la Colombie est la grande inégalité et le manque de garanties pour jouir et bénéficier des services essentiels de l'État en matière de protection sociale et de droits fondamentaux.

Nos populations meurent de faim dans de nombreuses régions et dans d'autres, elles ont été victimes d'exterminations systématiques, de disparitions forcées, de viols, de tortures, de traitements cruels, entre autres. Ceci, prétendument sponsorisé par des industriels nationaux et des sociétés internationales, et avec la complicité de l'appareil d'État. Ce n'est pas pour rien que les zones rurales et d’extraction de matières premières ont été les plus durement touchées par la violence.

Mais cette réalité n'est pas étrangère à la ville, le manque d'opportunités pour les jeunes, la perte d'espoir et le traitement hostile et violent de la protestation sociale par la police ont conduit à l'affaiblissement des piliers du pouvoir politique en Colombie. Aujourd'hui, l'État et toute sa structure pré-bureaucratique manquent de "légitimité" et "l'obéissance civile" a cessé. Dans ce contexte, il y a un soulèvement national avec de multiples expressions contre l'administration gouvernementale, le foyer de la résistance civile contre l'oppression étant la ville de Santiago de Cali.


Dans notre pays, plus de 50 % de la population vit dans la pauvreté, de nombreux ménages survivent avec l'équivalent de 30 dollars par mois. C'est pourquoi la présentation par le gouvernement d'une réforme fiscale qui maintenait des exemptions pour la grande industrie, les grands supermarchés et le secteur financier pour plus de 15 milliards de dollars, et qui, d'autre part, faisait peser sur la population un taux d'imposition élevé a été le déclencheur de cette colère. »



Photo : Colprensa


Je le répète, la police en Colombie est de nature militaire et non civile.

Nous nous sentons concernés à bien des égards, notamment par le fait que nous sommes tués, que nos jeunes n'ont pas d'emploi, que nos jeunes n'ont pas d'éducation, que nos jeunes n'ont pas de nourriture à la maison. Nous sommes inquiets pour aujourd'hui, mais aussi pour demain. Nous sommes préoccupés par l'aggravation du conflit en Colombie, il y a des massacres presque que tous les mois depuis 2018 et ce depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement d'Iván Duque. Nos revendications sont concrètes et permettent d'éviter l'aggravation de la crise, mais cela ne résout pas les problèmes sociaux:


1. L'abrogation du projet de réforme fiscale et le démantèlement des exonérations pour les grandes industries, les grandes surfaces et le secteur financier.

2. Abrogation des projets de loi sur la réforme du travail et des retraites.

3. Abrogation du projet de réforme de la santé.

4. Démantèlement d'Esmad (équivalent des CRS, en plus violent), GOES (unité des opérations spéciales), et réforme de la police, puisqu'il s'agit d'une police de type militaire en Colombie et non d'une police civile.

5. Vérité, justice, réparation intégrale et garantie de non-répétition. Que les meurtres commis par l'État soient jugés et que les cas de disparitions forcées soient traduits en justice.


Je le répète, la police en Colombie est de nature militaire et non civile, ce qui conduit au fait que les décisions sont sous commandement militaire et que le traitement de la population est de nature militaire. Cet organisme a agi en toute impunité. Le bureau du procureur ne remplit plus ses fonctions d'organe d'enquête et en est venu à fonctionner comme un organe de défense des criminels militaires présumés. Depuis le 28 avril, les organisations de défense des droits de l'homme ont répertorié 47 civils tués par la police, 963 civils détenus arbitrairement, 12 cas de violence sexuelle, 548 victimes de disparition forcée (présumée torture et meurtre), 28 civils ayant reçu une balle dans l'œil par la police et l'ayant perdu, 278 agressions diverses par la police et 1876 civils blessés enregistrés. Tout cela en seulement 10 jours.

La Colombie souhaite à l'avenir une paix réelle, ce qui implique non seulement la cessation de la violence ouverte, mais aussi des changements structurels profonds qui permettent à la population d'accéder à ses droits, de les exercer et d'en jouir pleinement. Avoir un logement, avoir de la nourriture, avoir accès à l'éducation, avoir du travail, avoir accès au système de santé public.


Nous voulons pouvoir être heureux, non seulement pour survivre, mais aussi pour "bien vivre".

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